• A lire aussi : Irritée par l’épidémie de travail non déclaré née avec la pandémie • A lire aussi : C’est le moment de serrer la vis, prend en charge un lien • Lire aussi : Les entrepreneurs réticents à la tarification obligatoire • À lire aussi : Il n’est pas difficile de trouver des offres en espèces « Dans le cadre du budget 2022-2023, le ministère des Finances a estimé la taille de l’économie souterraine au Québec à 16,8 milliards de dollars pour 2019 et les pertes fiscales qui en découlent pour l’État du Québec à 2,8 milliards de dollars », détaille au Journal Jacques Delorme, porte-parole. pour le ministère des Finances. Alors que l’inflation a atteint 7,3 % le mois dernier après avoir culminé à 8 % en juin, travailler en dessous de la table devient beaucoup plus tentant, selon les experts consultés par Le Journal. « S’il y a des entreprises qui peuvent facilement rivaliser sur le marché noir, cela nuira un jour à celles qui ne le font pas. Cela compliquera leur recrutement. C’est ce qui me fait peur », prévient Richard Gaudreault, associé du groupe Droit du travail et de l’emploi chez Lavery. « L’inflation pourrait pousser les entreprises à aller dans cette direction. C’est pourquoi le gouvernement doit être vigilant », ajoute-t-il. “L’inflation risque de favoriser une augmentation du travail non déclaré”, estime également Bernard Cliche, avocat émérite en relations du travail chez Morency. Bernard Cliche Avocat émérite en relations du travail Un véritable aimant Pour Jean-Claude Bernatchez, professeur de relations de travail à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), le travail non déclaré agit comme un véritable aimant. « Plus le coût du travail est élevé [salaire et charges sociales]plus il est tentant pour un employeur de se tourner vers le travail non déclaré », dit-il. “Comme l’impôt est progressif, voire exponentiel, il peut être tentant pour les travailleurs”, souligne le directeur de l’Observatoire des relations du travail. De son côté, Bernard Fortin, professeur d’économie à l’Université Laval, rappelle que le phénomène demeure très difficile à mesurer. Travailleur indépendant Celui qui a écrit une vaste étude sur le sujet il y a 20 ans est plutôt d’avis que l’inverse pourrait se produire même en période de forte inflation. “Nous sommes dans une situation de concurrence très forte, qui tend à détruire l’économie souterraine”, explique-t-il. Bernard Fortin Professeur d’économie “Le travail non déclaré est très courant chez les indépendants”, poursuit-il. Selon lui, le travailleur noir ressemble à la figure du “free rider”. « S’il s’adapte souvent très bien aux services publics qu’il consomme, il ne participe pas équitablement à leur financement. Au niveau social, la généralisation du phénomène peut conduire à une perte de confiance dans la loi ainsi qu’à un affaiblissement de la démocratie”, pouvait-on lire dans son étude qui n’a pas pris une ride. Secteurs touchés Dans le monde de la réparation automobile, François Parady, qui anime le site d’emploi Mécanicien.ca, trouve que l’inflation joue les trouble-fête. « Bien sûr, il y en aura d’autres. Chacun essaie d’économiser autant qu’il le peut. Tout a augmenté, donc il n’y a pas de taxe de 15 % sur 1 000 $, c’est 150 $ », s’exclame-t-il. À l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), nous affirmons vouloir lutter contre le travail au noir. «Parmi les secteurs d’activité de l’économie souterraine au Québec et au Canada, la construction domiciliaire arrive au premier rang», indique une étude de 2018 du groupe. Fait encourageant, selon l’APCHQ, si entre 2011 et 2016 le PIB, l’économie souterraine et les investissements en rénovation avaient bondi de 15 %, 10 % et 18 %, la construction de logements souterrains aurait diminué de 3 %. ►L’APCHQ estime que la mise en place des crédits d’impôt à la rénovation depuis 2013 a réduit le recours au travail au noir.
«Au moins le quart des travailleurs autonomes» du Québec succombent à la tentation et déroutent le fisc
Photo de Martin Alaie
Caroline Bédard, PDG de TAQ, réclame l’abolition de la « règle des 30 000 $ ». Il explique que l’abaissement de ce plafond à zéro réduira considérablement le travail non déclaré et augmentera la fiabilité des travailleurs indépendants.
Un club lève le voile sur le tabou du travail au noir chez les indépendants, osant dire haut et fort que nombre d’entre eux déjoueraient le fisc en ignorant la “règle des 30 000 $”. « C’est tentant pour un travailleur autonome. On va bien », admet Caroline Bédard, directrice générale des Travailleurs autonomes du Québec (TAQ), d’une voix sereine. “Au moins un quart des 565.000 indépendants le font”, assure celui qui dirige un syndicat de 200 adhérents visant à pousser l’Etat à reconnaître, une fois pour toutes, le statut d’indépendant. «Les coiffeurs, les esthéticiennes, les massothérapeutes, les manucures… sont souvent payés soit en espèces, soit par virement bancaire, donc parfois c’est plus facile», explique sans détour Caroline Bédard. Alors que l’omerta règne au milieu des travailleurs autonomes, madame Bédard ne bouge pas : il faut crever l’abcès pour faire avancer les choses. La règle des 30 000 $ “Si vous faites des sites Web, c’est plus difficile parce que le client veut avoir une facture, mais quand vous arrivez à des services rapides comme le toilettage de chiens, il peut être plus facile de bien faire les choses en noir”, a-t-il poursuivi. “Quelqu’un qui gagne moins de 30 000 $ [par année] il n’a pas à facturer la TPS et la TVQ, donc c’est très facile de rapporter qu’on gagne 28 000 $ », explique celle qui écrit pour les médias locaux. Selon elle, le fait de réduire ce plafond à zéro permettrait au clair de lune de fondre comme neige au soleil et augmenterait la crédibilité des indépendants. « Un indépendant a parfois du mal à se rendre à la banque pour acheter une maison car il est plus difficile d’engager son chiffre d’affaires. Ça aiderait », explique Caroline Bédard. Pour Gervais Bisson, président de l’Association professionnelle des employeurs de la coiffure du Québec (APECQ), Mme Bédard fait mouche. « Nous perdons nos employés qui nous demandent du noir. Le gouvernement le sait. Dans la location de chaise, plus de 99 % des propriétaires et des locataires sont illégaux », argumente-t-il. ►Dans un mémoire déposé à la Chambre des communes, le TAQ va jusqu’à dire que la non-reconnaissance du statut de travailleur autonome équivaut à une « discrimination » pure et simple.
Les tenants de “l’économie du partage” ne sont pas à l’abri
Airbnb, Uber, Lyft… Les travailleurs des nouvelles entreprises de l’« économie du partage » ont également des obligations fiscales, selon l’Agence du revenu du Canada (ARC). « En tant que participant à l’économie des plateformes, vous pourriez être considéré comme un travailleur indépendant à la tête d’une entreprise. Dans ce cas, vos obligations fiscales sont différentes de celles que vous auriez si vous étiez salarié”, souligne l’instance fédérale. Un travailleur autonome doit déclarer ses revenus, payer l’impôt dû, cotiser au Régime de rentes du Québec et tenir un registre comptable. S’il déclare un revenu inférieur à 30 000 $ par année, le « petit fournisseur » n’a pas besoin de s’inscrire aux registres de la TPS et de la TVQ. Les influenceurs aussi Abonnements, publicités, parrainages, ventes de marchandises, produits, vêtements, voyages et autres cadeaux… Dans les médias sociaux, les influenceurs s’engagent dans des activités commerciales lorsqu’elles « contiennent un élément de profit et sont menées de manière suffisamment organisée et commerciale ». LES 4 TYPES D’ÉCONOMIE DE PLATEFORME
- Économie de partage Utiliser ou partager des biens personnels pour gagner un revenu (Airbnb, Uber, Lyft, DoorDash, etc.).
- Économie à la demande Travaillez en freelance ou sous forme de contrat court (Clickworker, Crowdsource, Fiverr, etc.).
- Pair à pair (P2P)
- Influenceurs des médias sociaux Revenus générés par les médias sociaux à partir des revenus…