Il revient sur la multiplication des grèves, notamment dans les transports, contre l’inflation et la hausse des salaires, au Royaume-Uni, un mouvement déjà historique puisqu’il s’agit des premières grèves “depuis vingt, trente, voire quarante ans” selon les secteurs. , souligne Marc Lenormand. franceinfo : Sommes-nous face à un mouvement aux proportions historiques ? Marc Lenormand : Ce qui est historique dans ce mouvement, ce sont les branches qui se mettent en grève. Au cours des trente dernières années, les principales grèves au Royaume-Uni ont principalement touché le secteur public, principalement contre les politiques d’austérité. Cela s’est produit, par exemple, pendant ce qu’on a appelé “l’hiver du mécontentement” en 1978-1979. La particularité aujourd’hui est de voir des secteurs privés, parfois industriels, se mettre en grève, ce qui n’était pas arrivé selon les secteurs depuis vingt, trente, voire quarante ans. Par exemple, une grève de huit jours commence demain dans le principal port à conteneurs du pays. Et c’est la première fois depuis 1989 qu’il y aura une grève dans ce port. Dans les chemins de fer, c’est la première grève nationale depuis 1994. Ce qui surprend, c’est l’ampleur du mouvement, mais aussi le nombre d’entreprises dans lesquelles les ouvriers ont voté en faveur de la grève. Les grèves sont relativement rares au Royaume-Uni, sont-elles considérées comme des actions extrêmes ? En signe d’une situation très difficile ? C’est surtout quelque chose de très compliqué à mettre en place. En France, le droit de grève est inscrit dans la Constitution. Ce n’est pas le cas au Royaume-Uni, car dans les années 1980 et 1990, les gouvernements conservateurs ont introduit un cadre très restrictif. Cela signifie qu’aujourd’hui, pour que les syndicats fassent grève, ils doivent faire une grande campagne auprès de leurs membres, organiser une urne et ce scrutin vote majoritairement en faveur de la grève. Il existe même des seuils plus élevés dans certains secteurs puisque dans les transports il faut non seulement avoir au moins la moitié des adhérents demandés, mais aussi 40% de l’électorat, soit le nombre total de travailleurs susceptibles de faire grève. Est-ce le signe d’un malaise très profond chez les travailleurs britanniques ? Ce qui est très remarquable, c’est qu’effectivement dans ces consultations, il y a des taux de participation très élevés, souvent supérieurs à 80 %. C’était le cas sur le chemin de fer, par exemple sur les quais. Et le vote en faveur de la grève a dépassé les 90 % : dans le secteur postal, 98 % des postiers ont voté en faveur de la grève. Cela démontre donc une détermination, et certainement une situation dans laquelle un grand nombre de travailleurs croient qu’il est impératif d’agir pour obtenir des augmentations salariales. Parce que nous savons que l’inflation au Royaume-Uni atteindra 13 % cette année et que près des deux tiers des ménages britanniques ne seront probablement pas en mesure de payer leurs factures d’énergie cet hiver.