“Il n’y a pas beaucoup de films dans le cinéma québécois qui traitent de front la sexualité de façon très, très décomplexée”, a-t-il déclaré à l’Agence QMI, rappelant une conversation entre amis “il y a quelques années”. “On s’est demandé pourquoi. De “Le déclin de l’empire américain”, nous sommes arrivés à cinq films. [À ce moment-là, le scénario] c’était une petite étincelle, ce n’était pas un combat que je voulais mener, je ne voulais pas redresser un tort dans le cinéma québécois. Puis je suis tombé sur “Little History of Nymphomania” de 2002 et écrit par un historien de New York. Pourquoi un mot a-t-il été inventé juste pour parler du désir des femmes ? Pourquoi, au cours des siècles, chaque fois que nous avons eu affaire au désir des femmes, nous avons ressenti le besoin de l’assumer, de le guérir ? “C’est alors que c’est devenu un défi.” Car “A Summer Like This”, avec son titre volontairement “léger, voire ennuyeux”, touche au sujet de la sexualité des personnages féminins. Basé sur la fiction, le scénario suit trois femmes, Léonie (Larissa Corriveau), Eugénie (Laure Giappiconi) et Geisha (Aude Mathieu), lors d’une retraite de 26 jours au cours de laquelle elles explorent, avec l’aide de la thérapeute Octavia (Anne Ratte- Polle) et Samir (Samir Guesmi), leurs trajectoires sexuelles. « Est-ce courageux ? Est-ce fou? Je ne sais pas, mais je pensais que je pouvais faire quelque chose d’intéressant”, a-t-il déclaré. Les trois acteurs ont lu différentes versions du scénario, exprimant des réserves sur certaines scènes. Denis Côté a demandé à son rédacteur en chef habituel de céder la place à un collègue, deux sexologues féminines ont donné leurs commentaires. « Mais ça reste un film de Denis Côté, ce n’est pas un film qui arrive avec des solutions toutes faites, c’est quand même un film qui n’est fait que de questions, sans aucune réponse, comme dans mes autres films. Ça continue dans le noir, a-t-il souligné. Ce n’est pas un film qui a fait toutes ses tâches, agit comme un expert, comme un guérisseur et arrive à la fin avec un message. Et je crois que si j’avais fait ça, j’aurais été un homme qui trouve des solutions à la sexualité féminine. « Nous cultivons les zones ombragées. Ce qui ressemblait à une thérapie est complètement ridicule, cette thérapie ne sert absolument à rien d’autre qu’écouter les femmes et leur donner la parole. Et quand la thérapie fictive est terminée, on ne guérissait pas les gens, on les écoutait, on les soutenait. Nous n’avons pas appliqué de cadre thérapeutique comme le fait la science et comme les hommes l’ont toujours fait pour les femmes. Respect et confiance Le cinéaste de “Curling” ou “Bestiaire” n’est pas un voyeur. Il n’est pas question de porter un “vieux cochon” aux actrices, comme il l’a souligné. Ainsi, Denis Côté s’est donné une liste d’interdictions à respecter. Ce n’est pas vrai que quelqu’un allait faire un film sur la séduction. Ce n’est pas vrai que c’était un film qui allait faire des choses romantiques. Aucune carte postale n’était nécessaire. Le beau chalet ou la belle maison de campagne était interdit d’avoir un dessin. Nous sommes dans les yeux, dans les visages, au plus près de la peau. Au pire on étouffe, mais au moins on ne tombe pas amoureux des choses. Cela empêche le film d’être voyeuriste. Et je ne voulais pas de scènes claires parce que j’avais l’impression que c’était des choses que nous avions vues auparavant.” “S’approcher [le sujet de la sexualité féminine], je pense que vous devez supprimer toute attente d’excitation à propos de votre projet. Je suis un homme, je suis hétéro, c’est mon 14e film et c’est la première fois que je vois autant de filles nues sur un plateau. Je le sais d’avance et il y a du travail à faire. J’ai pensé à tous ces vieux réalisateurs qui, dans les années 1960, 1970, 1980 et même aujourd’hui… on voit qu’il y a encore, ce cinéma des vieux cochons », a-t-il précisé. “Mais pourquoi ? Je me suis dit qu’ils sont d’une autre époque, qu’ils ont un certain pouvoir, mais j’avais le même sur mon plateau. Et quand tu décides d’appliquer ton pouvoir sur ton plateau, tu ne réalises pas que tu es vivre ta sexualité par procuration. Et si on gratte un peu, on trouvera peut-être que ces vieux là-bas à la maison n’ont rien, qu’en 1983, quand tu faisais du strip-tease, il t’a fallu trois semaines pour trouver un magazine de sexe sous un matelas. Moi, quand je fais mon film en 2022, si je veux du sexe, je sais où le trouver. Je sais que je suis à trois clics du porno après ma journée de travail. Je n’ai pas besoin de mon plateau et de mon travailler pour satisfaire quelque chose.” “Quand je fais mes films, je m’assure d’être ami avec mes acteurs. On parle beaucoup en amont, je ne cache pas de pages de mon script. Il y a beaucoup de partage. Nous n’avons ressenti aucune gêne d’aucune sorte sur le plateau. Il y avait des scènes difficiles à jouer, mais c’était dans une fraternité… Quand j’entends les histoires d’horreur dans d’autres contextes et qu’ils doivent appeler des coordinateurs d’intimité, j’ai l’impression d’être sur une autre planète.” C’est cette attitude de respect qui a permis à Larissa Corriveau de filmer, en toute confiance, une longue séquence de ‘shibari’, l’esclavage japonais. « J’ai approché la seule école de ‘tricherie’ sérieuse à Montréal. Larissa a accepté et ce que nous voyons à l’écran était sa huitième séance en six mois. Sur le plateau, il n’y avait que le son et la caméra et j’étais caché derrière un écran”, raconte le réalisateur. “Ce que j’aime dans la scène, c’est qu’elle est à la fois violente et douce”, a déclaré Denis Côté, qui souhaitait que le spectateur voie ce moment “comme une performance”. L’ensemble du film est vécu par le spectateur comme un miroir de sa propre sexualité. “A Summer Like That” a débuté le 19 août.